[Traces] Numérique et mouvements sociaux : À quel point les collectifs militants peuvent-ils s'appuyer sur le numérique ?
Issu de Faiseuses du Web n°2 en 2023, voici la retranscription du fish bowl Numérique & mouvements sociaux
Note : Le fish bowl ne donne pas une retranscription facile à s’approprier si vous n’étiez pas là pour voir toute la dimension informelle de l’évènement. Nous partageons tout de même la retranscription dans l’espoir que cela puisse vous servir néanmoins.
Introduction de Viciss (Hacking Social)
Bonjour à tous, déjà, si je ne vous ai pas dis bonjour. Donc on m’avait convié ici pour discuter numériques et mouvements sociaux. Et plus précisément de à quel point les collectifs militants peuvent-ils s’appuyer sur le numérique ?
Donc tout d’abord pour me présenter. Je suis autrice sur le site Hacking social. Et avec Chayka, on a la chaine Youtube Horizon Gull. Et donc, nous, on fait de la vulgarisation, principalement de psychologie sociale, et c’est assez engagé.
Par le passé, on a été aussi militants, en syndicat, parmi des hackers, et aussi durant notre activité, dans le collectif “on vaut mieux que ça” durant la loi travail. C’était un collectif de youtubeurs qui s’est formé sur le tas on va dire, parce que ça a pris une ampleur qu’on n’imaginait pas, qui était juste pour combattre la loi travail.
Et donc dans notre activité là actuellement, on est assez préoccupé·es par la question des autoritaires. Alors, qu’est-ce que j’entends par autoritaire ? C’est pas au sens commun, ni au sens extrêmement politique de “régime autoritaire”, mais une notion en psychologie sociale d’un profil particulier de personnes qui ont une propension à adhérer, à soutenir, voire à participer activement à des politiques fascistes. Avec plus ou moins d’engagement à ça. Donc, ça peut être juste du soutien.
Et donc c’est une notion en psychologie qui est mesurable, c’est une attitude qui est mesurable, qui se caractérise par la soumission à l’autorité, une agressivité autoritaire, un courant [nationaliste ???] et c’est dû à plein de facteurs. On ne naît pas comme ça. Il y a plein de facteurs sociaux et tout ça.
Et donc la particularité de ce sujet, c’est qu’ils sont extrêmement actifs sur internet. Depuis très longtemps et à plusieurs niveaux. On va dire, on a des initiatives personnelles, on va dire de personnes qui vont, par exemple, commenter fortement sur des sujets qu’ils n’aiment pas, qui défendent l’égalité, par exemple, qui vont être au taquet là-dessus. Mais ça peut être un autre niveau, un peu plus intense, avec la création de faux profils LGBT pour les ridiculiser, par exemple, avec des thèmes ridicules qui sont après repris par tout le monde et qui font comme une fausse preuve. Ca fait presque comme une création de fake news. Et il y a des gens presque seuls qui vont avoir ce genre d’initiative.
Puis après on un autre niveau qui va être le groupe politique, des identitaires par exemple, qui, eux, vont avoir un travail actif sur internet. Par exemple, ils vont répertorier tous les faits divers qui impliquent des noirs ou des arabes et les monter en épingle pour prouver que il y a un problème avec eux. Ils vont faire des faux profils, par exemple d’arabe, et dire des choses anti-françaises, pour montrer, pour fabriquer des preuves et des trucs comme ça. Ils vont aussi recruter. Leur technique, oui, c’était d’avoir un profil qu’ils maintienne et de créer plein, plein de faux profils aussi pour faire masse. Et ça, on le voit, c’est une stratégie assez récurrente, avec des commentaires de masse comme ça qui arrivent, et c’est pas forcément plusieurs personnes, en fait, c’est peut-être une personne qui a plein de profils et qui les utilisent.
Et on a un autre niveau, encore plus… fou. Là on pourra même plus parler de militantisme, qui est menée par des agences de communication telle que… vous avez peut-être entendu parler du scandale de Cambridge Analytica. Donc qui avait été au service des républicains durant l’élection de Trump. Et ce qu’on on ne savait pas avant, c’est qu’il y a eu avant ça, il y a eu aussi une forte participation a créer l’alt-right. À la stimuler et certains lanceurs d’alerte disent carrément que c’est à l’origine.
On a aussi l’agence IRA, c’est Internet Research Agency, c’est une agence russe de troll. Donc, leur but au départ, c’était de rendre l’Amérique ingouvernable. Et donc ils ont utilisé uniquement internet. Ils ont des stratégies extrêmement fines, extrêmement bien pensées sur les réseaux sociaux. Et pour vous dire à quel point c’est allé loin, eux ils tablaient sur les 2 partis, un parti plutôt progressiste, et un parti plutôt extrême-droite, et donc ils faisaient les deux. Ils créent des faux profils et les nourrissaient pour que ça fasse bien en ligne et, par exemple, il y avait des fausses pages Black Lives Matter qui avaient plus d’abonnés que les vraies pages Black Lives Matters. Et c’est allé loin, parce que ces pages là, ils organisaient aussi des événements. Donc, c’était mené par des russes qui organisaient des événements, mais il faisait aussi l’inverse avec l’extrême-droite, au même moment pour créer un chaos.
Et c’est une histoire assez folle. Ça paraît vraiment très complotiste quand je dis ça, mais en fait c’est très sourcé et on connaît le fin mot de l’histoire. Et justement durant la période de Trump, il y avait conjointement l’IRA et Cambridge Analytica qui finalement ont eu la même stratégie, allant dans le même sens.
Donc on a vraiment internet qui est un lieu de pouvoir, vraiment. On pourrait être déprimé là quand je parle des autoritaires et dire vraiment qu’ils ont une main-mise et une connaissance stratégique des réseaux sociaux, de comment jouer avec tout ça, et ça peut être déprimant. Mais si des agences type Cambridge Analytica, l’IRA et tout ça le font dans tous les sens aussi, ça montre que c’est un lieu qui compte. Il y a vraiment quelque chose à jouer. Les résultats sont pas forcément très visibles dans la réalité des choses, parce que ça se joue au niveau des idées.
Et un petit peu comme une sorte d’inconscient collectif, où des choses se jouent réellement et qui après se répercutent. Et donc moi je ne vois pas forcément de façon déprimante tout ceci parce que je me dis mais il y a tellement à jouer. Il y a tellement à jouer ici.
Et donc, après il y a aussi ce focus sur les autoritaires, je suis peut-être un petit peu biaisée, puisque je crée du contenu depuis 10 ans sur internet. Je parle des autoritaires, donc je les ai en face, qui viennent aussi qui menacent de mort ma communauté, etc, entre autres choses joyeuses. Donc j’ai peut-être un visuel un peu particulier.
Donc, la question que je pose c’est : “comment vous vivez ça, ce genre de mouvements sociaux ou même d’autres mouvements sociaux sur internet, et comment ça vous impacte, votre vécu là-dessus…”
Échanges des participant·es
« Allez, je brise la glace. Bah moi concrètement, c’est quelque chose qui me fout vraiment les jetons. Et une des questions toujours en toile de fond que j’ai jamais pris le temps de creuser c’est : “Ok, les autoritaires sont très forts sur les réseaux… C’est quoi le contre-pouvoir ? Est ce qu’il y a quelque chose qui existe en face ? C’est quoi les mouvements progressistes qui luttent contre ça, ou est-ce que c’est vain ? Et je me demande est-ce que ça vaut le coup ? Comment est-ce qu’on fait pour lutter contre ça ?”
Les questions derrière c’est : “à quel point c’est couteux en énergie, en personne, etc. Et à quel point ce que c’est pas d’une certaine façon s’avilir d’utiliser des techniques qui visent justement à décrédibiliser la parole d’autrui…” J’ai des mots moraux qui me viennent en tête, mais le côté vil, avilissant etc. à utiliser des armes de l’ennemi pour lutter contre l’ennemi à côté de moi. Est-ce que c’est vraiment la bonne façon de faire ? Sauf que je ne vois pas quelle est la bonne façon de faire. J’ai aucune idée là-dessus, et c’est ce qui fait que ça me déprime profondément. »
« Et moi ça me fait penser à… en décembre, j’ai participé à une petite conférence en ligne de Marie Peltier, qui est une personne qui parle de complotisme que moi je connais pas, mais en fait, en décembre, je crois qu’elle voulait faire un petit bilan progressiste de l’année, quelque chose comme ça. Comme j’étais très déprimée, je me suis dit : ça va être bien de parler de qu’est-ce qu’il y a de progressiste et donc d’enthousiasmant, et tout, bref… Elle faisait un bilan et notamment, elle parlait de l’arrivée de Musk à Twitter et des choses comme ça.
Et elle dit: “C’est fou qu’on ait eu comme ça des oeillères aussi longtemps sur le pouvoir que pouvait avoir quelqu’un au niveau technique afin de récupérer un réseau social et de faire switcher comme il voulait”. Et moi dans le numérique libre avec Framasoft depuis des années, je lui ai dit: mais enfin, qu’est-ce qu’on a raté ? Parce que nous on le dit depuis mais… depuis perpette quoi ! Elle dit “à gauche on a raté un truc” Mais enfin il y a un groupe de gauche qui dit avec des warnings “Attention, Google n’est pas ton ami, les réseaux sociaux, c’est problématique et tout”. Et donc je me suis dit: mais mince, on sait, en tout cas moi je sais, mais visiblement, il y a un truc qui qui diffuse pas jusqu’à tout le camp des alliés pour dire : “ben fait non, là il y a des trucs problématiques qui se passent” Et j’ai l’impression qu’avec les mouvements sociaux, ce truc d’autoritarisme, c’est pareil.
C’est-à-dire, dans les milieux progressistes de gauche, j’entends beaucoup, c’est pour ça que j’ai choisi le thème, des gens qui disent “Ah mais les réseaux sociaux, c’est vraiment super. Sans les réseaux sociaux, il aurait pas eu #MeToo, il n’y aurait pas eu les printemps arabes, il n’y aurait pas eu Black Lives Matter… C’est vraiment très important pour faire monter des sujets importants.”
Et à côté je vois la façon dont, par exemple, l’année dernière, en pleine période d’élection, l’extrême droite étaient au top pour faire monter ses sujets. C’est totalement déprimant quoi et donc, je n’ai pas de réponse n’est-ce pas… Mais vraiment je me suis dit: mais… Moi ma réponse c’est de déserter les réseaux sociaux capitalistes, mais je ne dis pas que c’est une bonne réponse, mais j’ai l’impression qu’on lutte et qu’en fait ça sert à rien de lutter avec les outils du capital.
Parce que, du coup, il monte d’un cran, il y a Musk qui vient, il change l’algorithme, du coup t’es encore plus écrasé. Et toi, t’es là, tu dis: “Ah mais je vais lutter sur Twitter”, mais tu te fais démonter ça sert à rien quoi… Don pas enthousiaste de ouf sur la lutte en ligne, quoi… Ça c’est un peu chaud. »
« Moi j’ai une remarque personnelle sur ce que tu disais sur comment lutter contre ces choses là. Alors c’est très naïf et très sur mon ressenti mais je me dis que c’est intéressant aussi. Je trouve qu’on est dans un moment assez particulier où il y a une certaine résistance face au gouvernement en ce moment. Et j’ai remarqué quelque chose à mon niveau individuel que je trouvais très amusant. C’est que, pour la première fois depuis très longtemps, on a l’impression que c’est la gauche qui mène les débats et certaines questions.
Et à tel point que ça en a intégré des plateaux télé où certaines questions, comme les violences policières, par exemple… Je sais que c’est un exemple un peu particulier, parce que tout le monde est pas tout à fait d’accord sur comment c’est traité… mais n’empêche que c’est un mot qui était banni des plateaux télé pendant très longtemps et qu’aujourd’hui la question est posée sur des trucs comme BFM TV, moi, ça m’a surpris au début. Et je trouve que c’est allé tellement loin que aujourd’hui, moi, j’adore parler avec les petits vieux dans la rue, et aujourd’hui, généralement ils ont conscience de ces problèmes-là et pour moi, c’est 99% lié à internet. Et du coup, je ne je ne saurais pas expliquer le pourquoi, le comment de qu’est-ce qui s’est passé, mais j’ai le sentiment qu’on est dans un mouvement un peu, peut-être, nouveau. Je ne sais pas ce que les gens ont compris certains leviers et ont réussi à appuyer sur le levier.
En tout cas j’ai pas l’impression que dans le mouvement qu’on vise actuel, les débats soient entièrement dominé par l’extrême-droite. »
« Donc, du coup, je voulais rebondir sur tes questions. Alors, du coup, prendre leurs méthodes… effectivement non. Il y a une citation d’Audre Lorde que j’aime bien, c’est: “les outils du maître ne détruisent pas la maison du maître.”
Donc, les détruire, ça ne va pas marcher. Être agressifs, les harceler, les démolir, ça ne marchera pas, ça va les renforcer. Ça, c’est un truc qui avait été étudié par Cambridge Analytica aussi, puisque c’est aussi un labo, et il voyait que ça ne faisait que renforcer même ça allait encore plus loin. Un message tout simple “ne soyez pas racistes” augmentait leur racisme parce qu’ils se sentaient attaqués dans leur identité sociale d’américain moyen. Donc on ne peut pas utiliser les mêmes outils, les copier. Et là ça demande de la créativité.
Nous on a l’habitude d’interagir beaucoup avec eux à la suite de nos vidéos. Et on le fait très simplement, en parlant de leurs émotions, en s’intéressant vraiment à eux. Moi j’ai des techniques que j’appelle de la “compassion ferme”. Par exemple, une personne disait des propos supers racistes sur les noirs, dans le métro, et qu’il en avait marre, tout ça. Et je dis: “oui, je vois, t’en as marre de ton boulot, c’est dur, tu souffres, là t’es dans le métro, à 6h du mat’, ça craint… Eux aussi, ils le sont, ils sont avec toi, ils sont comme toi. Donc tu arrêtes là avec ton racisme.” Et qu’est ce qu’il a fait, qu’est ce qu’il a répondu ? “Ah merci, merci.”
Donc on a des réactions très étonnantes, comme ça, mais il faut pas aller dans… c’est toute une chimie, toute une dynamique. Il faut prendre le contre-pied. Généralement, ils acceptent la compassion, qu’on les plaigne, qu’on se mette à leur place, qu’on les comprend… et, à partir de là, une fois qu’on a montré la compréhension, là on reste ferme sur des principes.
Et on essaye de leur faire ce qu’on appelle de l’empathie cognitive, c’est prendre la perspective de l’autre, pas forcément ressentir, c’est pas l’empathie affective où on ressent directement la souffrance, mais juste imaginer.
On place le truc comme ça et des fois ça marche ces interactions. Après ça dépend, comme tout.
Il y avait autre chose que tu disais : qu’est ce qu’il y a comme contre-pouvoir, comme mouvement inverse ? Je dirais qu’il y en a des tas, dans le sens où tous les mouvements qui sont contre les discriminations représentent un contre-pouvoir. Et ça, c’est vraiment intéressant, je trouve, c’est qu’il y a plein… je vois des mouvements antiracistes, des mouvements pour les droits et libertés, des mouvements plutôt anarchistes on va dire.
Tous ces mouvements-là ont en fait le même ennemi, le même problème. Quand je dis ennemi, c’est pas la personne autoritaire, mais c’est ce qu’elle porte, c’est l’autoritarisme qu’elle a en sac à dos qui est le problème. Et donc promouvoir des valeurs inverses, c’est un contre-pouvoir.
Je dirais qu’il y a une petite astuce de hack à faire aussi, c’est : faut pas hésiter à reprendre leurs thèmes. Par exemple, je connais un collègue qui fait des sorties patriotiques. Il sait très bien que c’est que ça leur plaît. La france, c’est formidable, la france, et tout ça et là, on appuie sur des thématiques ouvertes. La France qui est formidable à se lier contre les pouvoirs dominants, des choses comme ça il y a plein de choses à jouer en jouant avec leurs thèmes, comme ça généralement, ils sont un peu surpris, ou ils vont écouter plus, parce qu’il y a ce truc-là. Donc voilà un petit peu. »
« Ça me fait aussi réagir, penser à autre chose… Une des spécificités quand on est sur internet, typiquement les réseaux sociaux, pour moi, c’est que c’est pas juste que tu parles avec quelqu’un dans la rue, quelqu’un d’autoritaire que t’essayes de convaincre, mais par contre, quelque chose qui m’intéresse plus, c’est des gens qui discutent face à d’autres gens sur les réseaux sociaux. Moi, ça m’arrive souvent de… c’est faux, je discute peu, je suis une grosse lectrice, mais j’échange peu, parce que je vois quel coup ça peut avoir en termes d’énergie. Et mon énergie je la place sur autre chose, enfin bref. Mais par contre j’adore voir les discussions, voir aussi les arguments des uns et des autres. Et c’est plutôt dans la vie réelle, je m’emmerderai jamais à discuter avec quelqu’un que je vois avoir des idées diamétralement opposées à moi, et on va toutes les deux rester campés sur nos positions. Par contre, le faire en public, et là je m’adresse à la personne en face de moi, mais en vérité, je parle à toutes les personnes qui sont autour.
Et je ne sais pas si il y a aussi ça sur les réseaux sociaux. Je ne vais pas que parler à la personne avec laquelle tu discutes, mais limite tu parles autant, voire plus. Moi, je vois plus d’intérêt à ça, à parler aux gens qui sont susceptibles d’écouter et de lire à côté quoi. Pour éviter qu’ils basculent. »
« Pour revenir sur une question d’avant, qui disait aussi que les thèmes de gauche étaient assez mis en avant. Effectivement, moi, je vois ça sur internet aussi, après moi, là aussi, je ne sais pas si c’est ma bulle de filtre ou pas… Mais sur, par exemple les droits LGBT, qui sont beaucoup discutés. Mais ce qui est étonnant, c’est que cette mise en avant aussi fait un phénomène de backlash. Je crois que c’est le terme qu’on emploie. Il y a un retour de bâton, disons que ces thèmes là intéressent tout autant les autoritaires qui vont le dénoncer. Et là, on a vraiment une sorte de combat idéologique entre, s’il faut plus de droits pour tout le monde à égalité, et de l’autre, non, vous, vous n’avez pas le droit, vous, vous êtes dégénérés, dégagez, ça n’existe pas…
Et donc il y a vraiment, je pense, c’est vrai qu’il y a des thèmes de gauche, mais aussitôt ça fait aussi mettre en valeur les autoritaires qui vont être très violents. On a tous vu ça aussi durant le mariage pour tous, où bon, c’était une avancée sociale, mais très amère dans le sens où on a vu aussi des groupes très autoritaires être vraiment violents envers les gens, et tout ça, et dans les mouvements sociaux il y a toujours un peu cette amertume… Quand je voyais aussi le mouvement des droits civiques, quand on lit les écrits de Martin Luther King ou Rosa Parks et tout ça… Dans le moment historique ils sont très amers. Pourtant, ils avancent. Ils ont fait des avancées dans leur temps.
Mais parce que il y a ce backlash. Il y a un truc qui avance, un droit qui avance, et la violence pour qu’il y ai un statu quo et que ça n’évolue pas est à la hauteur de l’avancée. Donc plus il y a une avancée, plus la réponse violente sera là. C’est terrible quoi, c’est terrible, et je me rappelle sur le mouvement des droits civiques, donc leur action c’était de s’installer juste dans des restaurants où des afro-américains s’installaient là parce qu’ils n’avaient pas le droit. Et là, violence policière à fond, ils se faisaient emprisonner… Bon, est-ce que ça vaut le coup que j’aille m’asseoir dans le restaurant ? Pourquoi, avec toute la violence qu’on a en face ? Et c’est triste, on ne peut que les comprendre dans le moment.
Et peut-être prendre un peu de recul aussi, dans le sens où la violence c’est qu’il y a aussi un mouvement autre qui fait… Mais bon, y a quand même des signes inquiétants, moi il y a des choses qui m’inquiètent vraiment beaucoup sur l’autoritarisme.
Généralement, il y a des valeurs communes pour tout le monde, à droite comme gauche, de pro-socialité : on s’occupe des gens un minimum, on les tue pas, des trucs comme ça, ou l’aide à autrui, c’est quelque chose, c’est une valeur qu’il y aura à droite aussi, même à l’extrême droite de s’occuper de son prochain tout savoir. A partir du moment où on a des signes où l’aide, ou des ONG, des associations sont empêchées d’aider par la loi, tapées dessus… Il y a un gros problème.
Là, on a atteint un niveau d’autoritarisme, qui n’est plus quelque chose de militant mais qui a commencé à atteindre les sphères de pouvoir.
Et là, une des solutions que je vois… Plus le pouvoir va devenir autoritaire, plus va falloir être sournois. Il va falloir cacher les actions, mais continuer à les faire et de plus belle aussi, et d’aider vraiment les valeurs contre autoritaire, d’aide à autrui, à tout le monde… »
« Je n’ai pas compris ton mot. Tu as dit: il va falloir être… »
« ”Sournois”. Sournois, c’est-à-dire faire les choses secrètement, alors… Ça peut paraître contre-intuitif quand on parle de numérique, justement parce que le numérique - les réseaux sociaux surtout - fonctionne beaucoup avec la popularité et les gens vont vouloir gagner des abonnés et ça, c’est une réussite. Il y a beaucoup, ça dans les mouvements sociaux. Moi, à l’époque des syndicats, c’était beaucoup être dans les médias “Ah super, on est interviewé, on gagne de la notoriété, tout ça.” Pour moi, c’est pas un indicateur de pouvoir changer les situations. Le pouvoir il se fait aussi dans l’ombre et on voit ça dans les mouvements résistants de la seconde guerre, mais on le voit aussi dans le renseignement qui ne se repose que sur ça. Qui joue sur le secret, sur les infiltrations dans les mouvements. Et donc ça, c’est une sphère qu’il faut pas oublier, une sphère d’activité qui est l’ombre, et qui peut être extrêmement puissante. »
« [Prise de parole non enregistrée] »
« On vient de dénoncer le fait que Hugo Clément est passé à une conférence organisée par Valeurs actuelles, où il a échangé avec Jordan Bardella. C’est un grand plaisir de voir ces extraits. Sur le concept de l’écologie, où il a dit que pour lui, par exemple, la réussite de l’écologie se sera quand ce sera plus ni de droite ni de gauche, mais que tout le monde aura compris que c’est un enjeu de survie. Du coup pour passer du côté optimiste de la chose, une réponse d’une journaliste de Blast Paloma Moritz qui a fait une émission sur le sujet, et j’aime beaucoup ce média qui fait des super vidéos et Paloma Moritz est vraiment géniale et, par exemple, elle dit : “mais en fait, l’enjeu de l’écologie, c’est la survie humaine. Donc, l’enjeu de l’extrême droite si jamais c’est la survie que de certains types d’humains, ça n’est pas intéressant”. Et je trouve que c’est ça qui est vraiment intéressant parce que dans les milieux écologistes j’entends des personnes qui disent: “ah, mais on n’arrive à rien, c’est trop long, il faudrait quelqu’un qui prenne les décisions, et qui dise : “on y va” et comme ça on avancerait beaucoup plus vite. Et donc, c’est cette tendance un peu à… ça serait tellement plus facile si jamais il y avait une personne autoritaire qui disait demain: “ok, c’est bon, on y va tous, c’est parti” et que ça se fasse.
Et donc même dans les milieux de gauche il y a des personnes comme ça qui ont tendance à dire “ah si c’était un peu plus autoritaire, au moins, on avancerait, tandis qu’on n’avance pas.” Et ce que j’aime bien du coup, pour prendre le truc à rebours, c’est de dire : mais non, dans nos milieux de gauche, il faut qu’on tienne le fait que l’important, c’est les humains, c’est pas la planète, puisque la planète elle s’en branle. Et du coup, comment est-ce qu’on fait pour que tous les humains, ensemble, ils puissent vivre de façon apaisée, malgré ce qui va se passer, et c’est en y annonce ensemble qu’on va y arriver. Pas avec une personne qui va prendre la décision pour tout le monde parce que, et là c’est facile de récupérer la situation actuelle, tu dis “parce qu’on voit bien que ça ne marche pas”. Actuellement, ça marche pas. Pourquoi ça marcherait pour l’écologie ? Et c’est là, je trouve où c’est intéressant, et donc ce que j’aime bien avec le fait que Hugo Clément y soit allé à Valeurs Actuelles, c’est que ça clarifie un peu. Je trouve que là, on commence à avoir des réponses à de gens écologistes qui disent : “en fait, oui, on a un petit oui, ça serait bien un peu d’autoritarisme”. Non, non, en fait l’écologie, si jamais y a pas le social dedans ça ne sert à rien. »
« Je rebondis sur ce que tu as dit, c’est très intéressant, sur le besoin de contrôle qui amène un autoritarisme. Ça explique beaucoup les causes, pourquoi les profils autoritaires le sont. S’est qu’il y a un besoin de contrôle, un besoin d’ordre. Et ce qu’ont vu les chercheurs, c’est que l’autoritarisme, effectivement, monte en flèche quand il y a des crises. Des chercheurs ont fait passer plein plein d’études durant le covid, d’échelles qui mesurent l’autoritarisme, parce qu’ils savaient, ils savaient que ça allait monter en flèche. Donc, il y a vraiment… en plus la situation du covid était vraiment… avait tous les éléments pour faire augmenter l’autoritarisme : Elle était incertaine. On savait rien sur la maladie. On était confinés, donc privés de pouvoir et sans savoir quoi faire… donc c’était évident que, à terme, ça allait augmenter. À moins d’une restauration.
Et l’autre point que tu évoquais sur… l’extrême-droite qui noyaute les thématiques. Alors ça, c’est une grande stratégie je dirais, ça va même au-delà des autoritaires. On le voit dans plein de domaines plus néolibéraux on va dire… Là, récemment, je voyais Thaïs d’Escufon, donc une identitaire qui a fait des vidéos sur le QI, sur la personnalité, où elle disait, pour justifier le sexisme, le fait que les femmes aient moins de prix Nobel, parce que la distribution des QI en général… Et donc ils aiment bien prendre des thèmes comme ça, là un de leur nouveau truc aussi c’est de prendre de la science, donc là, c’est de la psycho, et d’enlever tout ce qui ne leur plaît pas et de résumer comme ça. Et donc faut se méfier aussi avec le discours type esprit critique, esprit zététique… qui se dit pas du tout militant politique et qui l’est très fortement. Parce qu’ils prennent des sujets de science et des fois retournent carrément les conclusions. Ça n’a rien à voir avec le papier, j’ai vu ça. Des fois ils prennent juste une toute petite partie, mais ils voient pas tout le corpus qu’il y a autour. Il y a à se méfier de ça aussi, d’un discours qui peut paraître très intelligent, avec des sources et tout ça, et en fait, on est complètement dans des fins idéologiques et des méthodes anti-scientifiques, dans le sens où ils coupent tout. »
« Je vais essayer de revenir sur ce que tu disais. La notion de de reprendre les sujets, etc. Bien sûr c’est quelque chose de vu, de même plutôt digéré, je pense. Sauf quand elle prend une posture scientifique. Et là, le dernier exemple que j’ai en tête, c’est une conférence d’Étienne Klein qui, mardi dernier, est venu à l’espace des sciences de Rennes où, en fait, il répond à une question en expliquant une de ses anecdotes. Et il dit qu’il était à une marche pour le climat, et il y rencontre quelques jeunes, autour de la vingtaine en fait, et il était étonné par leur faculté à alerter, discuter, avoir une parole qui est construite, qui fait sens, etc. Donc, il leur dit: mais en fait, c’est hyper intéressant, venez je vous paye un café. Euh chouette, ok on y va, intéressés par la discussion ils poursuivent dans le café. Et en fait il commence à leur expliquer, par exemple, que peut-être qu’il y a des sujets qu’ils mettent en avant qui sont pas tout à fait juste, comme par exemple le fait de prendre la l’échelle de température en degrés Celsius. Non, il faudrait prendre des Fahrenheit, parce que du coup, en pourcentage sur des Celsius ça a rien à voir avec des Fahrenheit, Pour faire court, il va prendre différents arguments complètements pétés et climato-sceptique, comme celui-là puisque peu importe l’échelle, en fait.
Et du coup, il a vu le doute et il a vu qu’il était en train de les retourner. Et c’était pour les questionner après, évidemment, c’était une démonstration, mais son alerte là, puisqu’il en parlait à la conférence dans ce sens-là et c’est pour ça que j’ai raconté cette anecdote… c’était vraiment l’idée de dire : ok, vous pouvez être militant, mais plus vous allez militer, plus il faut être profondément informés parce que c’est cette information-là qui va éviter qu’on vous retourne, parce que des bons militants qu’on retourne, en fait, c’est des super outils. Et là c’est un scientifique lui-même qui le dit et je pense que c’était des discussions sur la vulgarisation scientifique et le fait qu’il y a des aspects très positifs et très négatifs, même du point de vue de la science et ça ouvrait vchement… la conférence était vachement intéressante.
En tout cas cette anecdote elle m’a questionnée. C’est-à-dire que, effectivement, ça arrive souvent qu’à un repas de famille, on se dise : “ok, mais alors toi, qu’est-ce que t’en penses ?”, on a tous un avis. Et puis après, “oui, mais” et là quelqu’un sort un argument, et les autres peuvent même plus répondre, parce qu’en fait il y avait un argument.
et il prend l’exemple des platistes en disant : “Finalement, il y a plein d’arguments de platistes. Mais si on sait plus comment est-ce qu’on a découvert que la terre était ronde…” Il suffit simplement de savoir ça. Comment est-ce qu’on sait ? Et à ce moment-là, on peut remettre les choses dans leur contexte. Sinon, c’est vraiment difficile, on n’a plus de billes, et c’est là qu’est le danger. »
« Je trouve que ton point, il est vraiment intéressant, mais moi, je vois le penchant en face, qui est de dire : mais on ne peut pas être connaisseur de tout. Et là, ce que j’aime bien moi, c’est de dire que tu as une connaissance un peu générale sur plein de sujets, et que, ensuite, il y a aussi où tu vas chercher l’information, quelles sont tes sources de confiance ? Ou comment, quand on te pose une question à laquelle tu ne sais pas répondre ou un faux argument, tu arrives à sentir que le truc il est foireux. Et après, si t’as pas les argumentaires, moi ce que j’aime bien dire c’est : attends, là ça me semble quand même bizarre pour telle ou telle raison, et peut-être, du coup, t’instille le doute dans les personnes qui écoutent autour, bien sûr pas chez la personne en face qui est sûre d’elle. Et après tu dis : je vais aller me renseigner, et puis tu peux revenir en disant : “Mais en fait ce que tu dis c’est pas ok pour telle et telle raison.”
Je disais ça parce que, on ne peut pas tout savoir et de dire aux gens, “mais il faudra être au taquet sur tout pour pouvoir monter au créneau peu importe ce qu’on vous dit” ça me semble une charge de travail trop grande. Et à un moment, moi aussi ce que j’aime bien, c’est : “en fait, j’ai pas besoin… moi, je serai jamais scientifique et à un moment, je n’ai pas besoin de savoir… en Celsius ou Fahrenheit à quelqu’un qui vient dire “ah nan votre échelle n’est pas bonne, ce que vous dites, c’est pas juste”… À un moment… C’est bizarre ce que tu me dis, t’essaie de m’entourlouper, j’ai 5 sources de confiance qui disent la même chose. Toi, je ne sais pas si tu es de confiance ou pas et donc, du coup, je peux pas te faire confiance comme ça. Donc, peut-être que moi, je peux devenir la source de confiance des autres, parce que j’en ai 5 autres… Et on peut faire des pyramides comme ça, une relation de confiance par proxy. »
« Tu parlais d’être bon sur tous les sujets sur lesquels on est militant… Je pense qu’il ne faut pas être bon sur tout mais de vraiment se renseigner sur le sujet de militance pour éviter d’être retourné. »
« Je rejoins les deux points de vue en même temps. Alors, d’un côté, effectivement, l’information, c’est le pouvoir, ça c’est vraiment le truc… je le dis tout le temps, à quel point ça peut être vrai. Mais l’information on a trop tendance à voir que c’est l’information rationnelle, on va dire: les arguments, ce qui est dit, le contenu, et tout ça. Il y a le pouvoir, l’information est pas forcément sur les arguments Disons que, dans une discussion, c’est pas un argument contre argument qui va marcher avec un autoritaire. Je dis pas avec une personne qui est non autoritaire, et tout ça. Parce que eux, ils s’en fichent de la vérité, ils veulent avoir un effet sur les personnes. J’ai un exemple assez concret récemment c’est un collègue youtubeur, nota bene, qui est souvent visé par les autoritaires aussi. Et là, le dernier scandale, c’est qu’il a été accusé par les autoritaires de bénéficier de …je ne suis plus… de centaines de milliers d’euros de soutien de la part de la ville, qu’il était complètement acheté tout ça. Donc, il a débunké ça en vidéo rapidement, il a dit “non, vous vous trompez, c’est “Nota bene” la pizzeria.” Il y a plein de collectifs “Nota bene”, dont des pizzerias. Il disait qu’il avait pas reçu cet argent, et puis bon, je fais de la vidéo, c’est extrêmement coûteux. Si j’avais eu cette subvention, ça n’aurait pas été inutile. C’est extrêmement coûteux, un tournage et tout ça.
Et ce qui était intéressant, c’était dans les commentaires autoritaire de personnes que je connais très bien comme autoritaires. C’est : “mais oui, mais tu l’as bien mérité. Tu l’as bien mérité, tu l’as cherché.” En fait, peu importe la vérité, tout ce qu’ils veulent, c’est ennuyer la personne en face. Donc un autoritaire, il va chercher vraiment à détruire, et qu’importe la vérité. C’est hallucinant, c’est vraiment… ils s’en fichent, ils veulent provoquer des effets sur l’autre.
Et on voit ça même à haut niveau : Arron Banks, en angleterre, donc plus extrême droite et tout ça, et qui était pour le Brexit. Il disait, pour ses méthodes, et tout bon… On prend une news, par exemple ils avaient pris une scène de violence dans un métro, mais ça s’est passé dans une révolution, dans je ne sais quel pays. Il a fait croire que ça c’était passé en Allemagne, en Angleterre, quoi que c’était à leur porte, et donc, il dit “Oh nous on a appris ça”. Le truc, la stratégie, c’est : vous foutez des flammes dans les réseaux sociaux, des choses qui énervent bien, et vous passez un gros ventilateur dessus et que ça enflamme tout et que ça se propage. Ils s’en fichent de la vérité. Donc, face aux autoritaires, l’information qui est très précieuse, c’est de les comprendre psychologiquement, leurs motivations, et quand quelqu’un commence à rapporter des fake news et tout ça, dans le monde réel, comme ça, essayez de deviner en posant des questions : “Ah ouais, donc du coup ça t’inquiète beaucoup cette nouvelle ? Tu es très inquiet, ça t’angoisse, par rapport à ça ?” Donc, on essaye de trouver les émotions, et les motivations et pourquoi ça le motive cette idée-là et pourquoi ceci… et on essaye de comprendre la psychologie, qu’est ce qui se joue, pourquoi ces motivations ? Et je dis pas ça pour forcément hacker la discussion. C’est parce que généralement, les profils autoritaires, sont en stress. Ils ont un stress, ils sont en insécurité. Dans leurs relations sociales, dans toutes sortes de choses. J’ai eu des proches comme ça, qui ont des sortes de crises de fascisme.
Ils sont progressistes, progressistes de gauche la majorité du temps et d’un coup : crise de fascisme. “Ah les migrants, c’est fou, y a personne qui meurt de toute façon…”, et ça part comme ça, et donc, pas forcément sur le moment, mais à chaque fois quand je creuse, ben cette personne-là, par exemple, avait eu sa crise de fascisme parce qu’elle a vu un accident très grave de la route avec des morts.
Mais, pour bien la connaître, je sais que c’est impensable pour elle de se dire : “Ah, j’ai été choquée par cet accident”. Elle va projeter sur un autre thème. Donc, elle va dans le mouvement où les gens s’énervent, pour une sorte de défouloir un peu. Pour pas penser à ça. Parce qu’elle ne peut pas penser son traumatisme, pas penser… les autoritaires ont cette difficulté avec les émotions. Ça a été même vu à l’IRM dans des recherches scientifiques, où on voit que, face à une émotion, pof ils suppriment, suppriment et essaient de faire autre chose. Ils suppriment et c’est pas bon du tout, parce que les émotions, c’est pas comme ça qu’on les gère. Les émotions, pour bien les gérer, en fait, on reste là, on dit “Oh j’en ai marre d’être confiné, je me sens sans pouvoir”, enfin, on vit le truc et comme ça on les traite, on se dit “bon après je sortirai, ça ira mieux…”
Et ils ont du mal avec ça. Donc, du coup, dans la discussion, moi d’aller trouver de l’information sur leur état psychologique ça peut marcher. J’ai eu des autoritaires, une collègue de travail aussi. C’était horrible, elle était super raciste. J’étais 20 heures avec elle par semaine.
Et, par exemple, j’écoutais un moment Skyrock dans une pièce à côté, elle arrive, elle éteint le truc, “Ah putain de musique de n**” … que ça, que ça, que ça. Et donc moi, j’ignorais, j’ignorais, et puis après j’ai compris qu’elle était tétanisée de se retrouver au chômage. Elle avait peur, elle était aussi…elle voulait sortir avec quelqu’un, mais cette personne ne voulait pas, donc du coup ça l’a stressée. Et voilà il y avait d’autres problèmes. Et après, quand on arrive là et qu’on parle avec eux des vrais problèmes qui les affectent, il y a beaucoup à dire. »
« Moi, il y avait deux choses. J’ai trouvé un truc intéressant tout à l’heure quand tu parlais de ce qui s’est passé… que ça fait des années avec Framasoft qu’on dit qu’il y a des problèmes avec les GAFAM
Et donc qu’est-ce qu’on a mal fait ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je réfléchissait un peu à ça. Je me demande, j’étais en train de voir c’est quoi mon analyse du truc et vraiment le discours que j’avais par rapport à ça et j’ai l’impression que, finalement, pour moi peut-être, j’ai l’impression d’avoir axé beaucoup ça autour de la protection de la vie privée, mes données personnelles, etc. Et je me pose la question, si justement peut-être, je crois que pour moi c’est devenu le truc plus important, peut-être en oubliant, en éclipsant en fait les enjeux de pouvoir, et ce qu’on a vu avec le rachat par Elon Musk et puis la transformation de Twitter. Parce qu’on l’imaginait, mais moi je n’imaginais jamais que ça serait comme ça. C’était le pire scénario possible. Quand je vois le truc, je n’y croyais pas. Vraiment je n’y croyais pas. Voilà, je ne sais pas, c’était un élément.
Et puis autre chose qui est un peu, j’ai l’impression, qui est en discussion là, c’est le rapport, parce qu’on parlait de Marie Peltier et du rapport au conspirationnisme, au confusionnisme, etc. Et en fait un truc que je trouvais intéressant, que je n’avais pas trop saisi… En fait, je n’avais pas trop saisi que les objectifs qui étaient mis en place par beaucoup de médias, la désinformation en fait je croyais que c’était avoir un discours très net, très précis, avec des idées qui infusent dans la société, etc. Et justement là j’écoutai il y a pas longtemps Marie Peltier, elle disait quelque chose qui m’a marqué, qui est que, en fait, c’est pas ça. C’est juste instiller le doute, le poison du doute. De plus savoir ce qui est vrai et ce qui est pas vrai, et du coup, ça suffit de dire “je peux tout dire et en fait, on va faire douter les gens”. Dans une discussion, on va dire, plutôt logique, où on s’appuie sur des faits scientifiques, etc. Je me demande si, justement le fait est que si on doute de soi, etc. En fait, c’est des techniques de manipulation finalement, qui ont lieu à l’échelle des médias sociaux.
Ça me fait penser en fait aux chartes de modération etc, ce qui a lieu sur des médias sociaux, comme sur Mastodon. Et on voit qu’il y a plein d’endroits où ça arrive en disant “Non mais c’est important de pas contrôler ce qui va se dire” comme si c’était normal de pouvoir dire tout et n’importe quoi. Je le dis en tout cas dans les outils qu’on crée, qu’on utilise peut-être ces trucs-là, qui soient des outils à garder, je pense. »
« Sur la question des complots. Là il y avait des recherches qui étaient assez intéressantes sur Cambridge Analytica, qui justement pratiquait ça aussi de partager des news, vraiment des fake news complétement fausses, ou un peu complotistes, puis de passer le ventilateur dessus sur les réseaux sociaux. Débunker ça ne sert à rien. C’est trop tard. Généralement le mal est fait. Ça ne sert absolument à rien. Pour les raisons que je vous disais avant, de toute façon, ils veulent punir les gens, ils veulent se déchaîner, et donc, ça marche pas. Par contre, ce qui marche, c’est le prébunking. Alors le prébunking, c’est : on apprend aux personnes de façon neutre, c’est-à-dire sans contenu politique, par exemple, quelles sont les stratégies de manipulation, comment ça fonctionne, comment on lutte. On peut utiliser l’émotion pour faire perdre un peu l’esprit critique et tout ça. Et d’apprendre les mécanismes comme ça, le pourquoi du comment, ça a de meilleurs effets pour résister après aux fake news. Donc ça, c’est une solution qui est possible.
Et sur les réseaux sociaux, il y a un truc qui se fait tout simple. J’ai déjà vu ça sur des interfaces comme ça : on demande : “Êtes-vous bien sûr de vouloir poster ceci ?”
On peut voir avec des timers et tu sais si la personne partage trop vite quelque chose ou s’énerve. Techniquement, il y a des solutions à avoir là-dessus pour ralentir le processus. Rendre un peu plus compliqué aussi le fait de balancer des infos. Ça peut, ça peut aider. »